Santé et sciences de la vie

Lettres ouvertes

3 novembre 2025

Alors que les États-Unis vacillent, le Québec doit tenir bon en sciences de la vie

Le gouvernement du Québec s’apprête à dévoiler sa nouvelle stratégie en sciences de la vie. Pour nous, il s’agit d’un moment charnière où nous avons l’occasion de redonner un second souffle à notre secteur. Bien conçue, cette stratégie peut non seulement inspirer des politiques, mais aussi faire naître de nouvelles entreprises québécoises, au moment où Québec repense sa vision économique.

L’ensemble des acteurs des sciences de la vie, de la biopharmacie à la santé numérique, peut contribuer à bâtir des sociétés d’ancrage en sciences de la vie et à renforcer l’autonomie sanitaire du Québec.

Le Québec n’a rien à envier en matière d’intelligence scientifique. Nos universités, nos hôpitaux, nos centres de recherche brillent. Nous avons les découvertes, les brevets, les talents. Ce qu’il nous manque, ce sont davantage de sociétés d’ancrage. Des entreprises qui s’installent, embauchent, réinvestissent ici. Trop souvent, nos percées scientifiques s’envolent, financées par des fonds étrangers. Les honneurs restent, mais pas l’industrie.

Pendant ce temps, aux États-Unis, la première puissance biopharmaceutique montre des signes de fragilité. Paralysie politique, coupes budgétaires arbitraires, réglementation mouvante : leur leadership mondial en sciences de la vie vacille. Pour nous, c’est une inquiétude, certes, mais surtout une chance. Celle d’attirer investissements, talents et entreprises. De bâtir ici une autonomie sanitaire, une résilience économique, et des sociétés qui porteront notre identité à l’international.

Le problème est connu. Les entreprises thérapeutiques canadiennes et québécoises, dont les rendements ont été multipliés par sept en dix ans, occupent aujourd’hui le haut du pavé en matière de sorties boursières ou d’acquisitions, et alimentent notre productivité par la propriété intellectuelle. Malheureusement, l’accès au capital reste insuffisant pour leur permettre de passer à l’échelon supérieur ici. Résultat : lorsque l’une d’elles réussit, les retombées s’envolent trop souvent à l’étranger. Le Québec innove, mais ne capitalise pas encore pleinement sur son propre succès.

Cela ne peut plus durer. Pour créer une masse critique de sociétés d’ancrage, il faut du capital patient. Comme l’a souligné le premier ministre François Legault dans son récent discours, nos fonds de pension et investisseurs institutionnels doivent jouer un rôle accru. D’autres pays l’ont compris, dont la France, le Royaume-Uni et la Corée du Sud. Ils ont mobilisé leur capital intérieur, et récoltent aujourd’hui les fruits économiques et sociaux de cette vision.

Si l’industrie des sciences de la vie a besoin d’investissement local, l’inverse est tout aussi vrai. Les retraités y gagneraient, financièrement, mais aussi collectivement. Depuis plus de 30 ans, le Fonds de solidarité FTQ investit massivement dans ce secteur, avec des bénéfices autant pour ses épargnants que pour l’ensemble du Québec. Pour sa part, adMare BioInnovations a contribué à la création de plus de 38 entreprises qui génèrent de nouveaux investissements et des emplois durables. Et ce n’est qu’un début.

Les gouvernements et les investisseurs institutionnels doivent comprendre que chaque entreprise thérapeutique que nous faisons croître ici est plus qu’un laboratoire : c’est un multiplicateur d’emplois, de revenus fiscaux, de potentiel d’exportation, et un pilier de notre stratégie de biodéfense et de sécurité des retraites. Travailler ensemble pour identifier les politiques et les véhicules d’investissement capables de mobiliser ces sources de capital privé afin de soutenir les sciences de la vie canadiennes serait une victoire pour tous. Plusieurs solutions sont évoquées dans l’étude sur la chaîne de financement en sciences de la vie et technologies de la santé de Réseau Capital pour Montréal InVivo et le nouveau livre blanc d’adMare. C’est toute la chaîne de financement du secteur qui en sortirait renforcée, des start-up nécessitant du capital d’amorçage aux PME ayant besoin de capital de croissance pour devenir des sociétés d’ancrage.

Certains diront que vendre est une réussite, que les fusions et acquisitions sont normales. C’est vrai. Mais si le capital demeure étranger, le cycle ne se brise jamais. Nous devenons des vendeurs éternels, jamais des bâtisseurs. Sans de nouvelles sociétés d’ancrage, nous restons à la merci des décisions prises ailleurs.

Le Québec peut choisir autrement. Sa stratégie peut viser un objectif simple et ambitieux, soit celui de faire émerger, en dix ans, quelques sociétés d’ancrage solides. Pour y parvenir, il faut mobiliser notre capital institutionnel pour que la prochaine sortie à un milliard de dollars reste enracinée ici. Faisons des sciences de la vie non pas un pari passager, mais un pilier de notre avenir.

Si les États-Unis trébuchent, avançons. Si les investisseurs hésitent, que nos fonds de pension mènent la marche. Et puisque nos scientifiques brillent, offrons-leur plus qu’une ovation. Donnons-leur un port d’attache.

Car le choix est simple : bâtir ici, ou regarder nos découvertes appareiller vers d’autres rivages.

Cosignataires

Véronique Proulx

Présidente-directrice générale, Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

Stéphanie Doyle

Présidente-directrice générale, Montréal InVivo

Carl Viel

Président-directeur général, Québec International

Maxime Pesant

Vice-président, Placements privés et investissements d’impact Sciences de la vie, Fonds de solidarité FTQ

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