Main-d'œuvre et immigration

Lettres ouvertes

18 juillet 2023

On en oublie le bien commun

Dans tout débat quant aux droits et libertés de la personne, on se réfère habituellement au vieil adage : « ta liberté se termine où commence celle des autres ». Tout le monde comprend qu’il est raisonnable de limiter la liberté individuelle lorsque cette dernière se bute au bien commun.

Ce principe se répercute au sein de notre législation, notamment le Code civil du Québec. Une personne injustement brimée par les actions d’une autre peut légitimement amorcer des recours contre cette dernière afin de faire cesser l’activité ou même obtenir compensation contre le tort effectué.

Étrangement, lorsque l’on parle de droit entourant les conflits de travail, cette protection n’existe plus. On encadre timidement l’exercice du rapport de force entre les deux belligérants, employeur et syndicat, et on met complètement de côté les répercussions économiques et sociales, le bien commun de la société et la liberté des personnes qui ne sont pas impliquées directement dans le conflit.

Outre une application très stricte de la définition de services essentiels, visant à prévenir tout danger immédiat à la santé et sécurité publique, les parties extérieures aux conflits de travail n’ont qu’à subir les contrecoups de la dispute.

On en a eu la démonstration dernièrement avec les conflits de travail au Réseau de transport de la Capitale, au cimetière Notre-Dame-des Neiges ainsi que dans les ports de Colombie-Britannique. Des centaines de milliers de personnes voient leur vie bousculée, leur emploi ou la capacité de s’y rendre mis en péril en raison d’un jeu de rapport de force visant à démontrer qui peut le plus nuire à l’autre, notamment en attisant l’opinion publique envers l’un ou l’autre des belligérants.

Cela laisse toujours des cicatrices au sein des organisations impliquées, mais surtout auprès des témoins impuissants.

La réticence des gouvernements provinciaux et fédéraux à intervenir législativement dans ces conflits, malgré de forts consensus publics, l’illustre bien. Le recours à une loi spéciale de retour au travail n’est plus un outil adéquat afin de représenter le bien commun. Il est temps de se doter d’un mécanisme plus cohérent, plus prévisible et plus respectueux des intérêts supérieurs du Québec et du Canada.

La Fédération des chambres de commerce du Québec propose la mise en place d’un mécanisme permettant aux ministres du Travail, tant provincial que fédéral, d’obliger le déclenchement d’un arbitrage exécutoire lorsqu’ils le jugent nécessaire. Un tel exercice, impartial et indépendant, ne viendrait pas déséquilibrer les rapports de force et obligerait les parties à faire preuve de retenue et de bon sens dans le cadre de leurs négociations afin d’éviter un dénouement qui serait possiblement désavantageux pour l’un et pour l’autre.

Tout bon négociateur vous le dira: la pire des ententes est toujours meilleure que le meilleur des jugements.

Un tel outil rassurerait la population et les partenaires locaux et internationaux de nos entreprises. Il serait terminé le temps où la population serait prise en otage et instrumentalisée à des fins de relations de travail. Ramenons le bien commun au-devant de nos politiques publiques en matière de travail.

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